-
Les marionnettes - Albert Dequene
LES MARIONNETTES, 1930 - HUILE SUR TOILE
ALBERT DEQUENE (1897 - 1973)
Cette peinture de grandes dimensions représente Léopold Richard (à droite) et Albert Dervaux (à gauche) encadrant un groupe de marionnettes lilloises. Cette provenance lilloise est avérée par la présence des fils extérieurs attachés aux cuisses. Cette caractéristique de fabrication différencie les marionnettes de Lille des marionnettes roubaisiennes de Louis Richard dont le système de fils passent dans le corps du pantin.
Le mérite du peintre lillois Albert Dequene réside dans le choix du sujet, celui plutôt rare du spectacle populaire ainsi que dans le cadrage et le caractère étrange voire fantastique de la composition. On peut supposer que cet artiste possédait lui-même quelques marionnettes et que ces dernières pouvaient servir de modèles à ses élèves pour l’étude du dessin. La date de sa réalisation, 1930, place aussi cette œuvre dans le mouvement de sauvegarde des traditions et des folklores locaux dans lesquels les marionnettes des théâtres ouvriers se distinguent. Cette peinture a été achetée par la ville de Lille en 1932 et a décoré un temps la salle des mariages de l’Hôtel de ville peut-être en raison de la présence, au premier plan, d’un couple de mariés avec une épousée bien reconnaissable dans son habit blanc.
Peintes en grandeur nature, alignées de façon solennelle, dans une lumière crue qui fait ressortir les reliefs, les marionnettes produisent un effet singulier dans leur mystérieuse immobilité. Cette composition semble rappeler la petitesse des caves et des greniers dans lesquels se déroulaient les spectacles et où s’entassaient marionnettes, décors, montreurs et spectateurs : les deux marionnettistes tiennent tout juste debout dans cette toile !
A l’arrière, se distinguent les bandes tricolores successives (bleu, blanc, rouge) du Théât’Louis. Ce tableau fait ainsi la synthèse de l’art de la marionnette à Lille et à Roubaix : deux montreurs roubaisien et le castelet le plus emblématique de Roubaix sur les planches duquel une belle série de marionnettes lilloises font leur salut final face aux spectateurs assis. A la hauteur de la scène, on remarque les lumières qui éclairent fortement les pantins du 1er plan et projettent quelques ombres inquiétantes sur le décor du fond. Albert Dequene, grâce à cette composition, relève ainsi l’ambiance entre ombre et lumière qui pouvait être contenue dans les caves lilloises.
Ces marionnettes restent cependant difficilement identifiables. Si seul le spectre peut-être associé au théâtre Buisset, des archétypes sont pourtant remarquables comme le traître masqué, le roi, un seigneur, un mousquetaire ou encore un personnage oriental. Au second plan, une marionnette vêtue de rouge et de vert est reconnaissable sur plusieurs affiches de pièces jouées telles que celle de La tour de Nesle.