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Montreurs de marionnettes, les règles du jeu
Selon les propos de Pierre Blaise, metteur en scène, auteur et marionnettiste, le marionnettiste joue simultanément dans deux espaces contigus. Un espace réel, celui depuis lequel il manipule ses marionnettes et un espace virtuel, celui dans lequel il montre ses personnages.
Le premier espace est réel dans la mesure où il est contraignant pour l’artiste ; ce dernier doit composer avec l’étroitesse du lieu comme avec la présence des autres manipulateurs. Il doit organiser une régie de ses poupées animées, décors et accessoires au service du monde fictif qu’il doit mettre en scène.
Le second espace est virtuel tant il suppose de possibles : les êtres peuvent s’y envoler ou disparaître, se métamorphoser ou surgir... Entre ces deux espaces, il y a une frontière : la bande de jeu, la limite symbolique. Pour étayer cette bande de jeu et pour affirmer la séparation de ces deux espaces, il faut une structure scénique, le castelet.Le castelet, petit château des décors des montreurs de marionnettes semble être tout naturellement l’héritier de la scena, scène et structure de jeu de la farce du Moyen-Âge qui permet de mettre le lieu de l’action dramatique à distance relativée du public. On voit parfois, à l’avant de la scena élevée à hauteur d’homme, deux tours crénelées présentant l’image d’un petit château et masquant les entrées en scène. Une toile de fond ferme l’espace et derrière s’organise le jeu à l’abri des regards.
Au fil du temps, ce castelet du Moyen Âge est devenu un édifice de dimension variable, mobile ou fixe tout en préservant sa fonction intrinsèque liée à la dissimulation du montreur. Le théâtre de marionnettes contemporain fera voler en éclats cette notion de castelet avec à la fois l’apparition du manipulateur au su des spectateurs et l’appropriation de l’espace public comme la rue comme scène de jeu à part entière.
Scène et « mise en scène » sont intimement liées. Conçue en fonction de l’espace scénique, la mise en scène donne sens au texte. Le rythme est alors soutenu par des effets scéniques (surprise, rupture...) et par une bonne circulation des manipulateurs prêts à faire entrer leur personnage ou tout autre accessoire en jeu. Dans n’importe quel dispositif, le manipulateur doit trouver une posture qui entrave le moins possible sa voix, la liberté de ses mouvements, la possibilité de se déplacer dans toutes les directions.
RÈGLES DE JEU À LILLE ET À ROUBAIX AU XIXE SIÈCLE
Si l’on s’en tient aux castelets des montreurs de marionnettes à tringles du XIXe siècle du Nord de la France, ceux-ci viennent s’inclure dans des espaces insolites : caves, greniers ou salles d’estaminet et l’on s’emploie à s’y adapter pour mettre en scène les pièces en inventant des règles de jeu précises et adaptées.
Dans le cas du théâtre de marionnettes liégeois, la scène est généralement étroite et derrière le décor de fond le maître du jeu fait vivre les personnages principaux de la pièce, prêtant généralement la parole à l’ensemble de la troupe en modifiant sa voix en conséquence. De chaque côté du pont, des aides amènent les marionnettes aux abords de la scène pour un jeu essentiellement latéral au pied du décor de fond. Ne jouant quasiment pas d’effets de perspective, l’importance sociale des protagonistes varie ici en fonction de la taille.