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Louis de Budt
Louis de Budt, le plus célèbre des montreurs de marionnettes exerçant à Lille, est né à Gand en 1849. C’est en 1860 qu’il quitte sa ville natale pour rejoindre avec sa famille la capitale des Flandres. Dans cette ville qui s’industrialise fortement, il est employé comme ramasseur de bobines en filature. C’est de cette période que lui vient le sobriquet de « Louis Poire-Cuite », ce surnom lui est donné alors par une fileuse avec laquelle il travaille à l’usine. En effet, si l’on en croit l’anecdote, c’est en s’apercevant que sa mère avait oublié de mettre dans son briquet la compotée de poires cuites qui traditionnellement accompagnait ses tartines qu’il fut pris d’une inconsolable crise de larmes.
Après des journées de 12h, le jeune Louis ne dispose que peu de temps pour se divertir et il consacre ses rares moments de loisir à la construction de marionnettes avec l’ambition de les faire encore plus belles que celles qu’il voit accrochées aux charrettes à bras des marchands ambulants. À l’âge de 10 ans, il assiste à son premier spectacle de marionnettes joué par le théâtre Vanovertveld , « La Comédie Francos » à Fives. Cette expérience éblouissante décidera de son avenir et le convainc de posséder un jour un théâtre à son nom.
En 1871, au retour de la guerre, il se marie avec la fille d’un ouvrier, Éléonore Brilleman dite Léonie et installe son premier théâtre « Le théâtre Louis Poire-cuite » dans la cave de la maison de ses parents. Cette dernière ne mesure que 20 m² mais on y entasse à l’époque de 80 à 100 personnes.
Pompier au Grand opéra de Lille, Louis De Budt en profite pour y faire des croquis des décors, des costumes mais aussi des visages des acteurs. Il s’inspire naturellement des spectacles lyriques et les transpose pour son théâtre de marionnettes. Son répertoire s’imprègne de grands classiques comme Les trois mousquetaires, L’homme au masque de fer, la jeunesse du roi Henri ou Cartouche, au total près de 200 pièces tirés des romans de l’époque. Mais, Louis de Budt ne néglige pas pour autant les légendes locales comme Lydéric et Phinaert et bien sûr les incontournables vaudevilles dans lesquels Jacques et Long-nez attisent les rires enthousiastes du public. C’est l’éclat de l’opéra qui descend dans les caves et illumine la scène du castelet aux splendides décors et costumes qui font la réputation du théâtre de Budt. Cela, associé à son talent d’acteur, lui vaut le titre glorieux de « L’ro de l’comédie ».
Cette réputation de « L’ro de l’comédie » s’étend bien au delà du quartier et de la ville, et celle-ci ne s’est pas seulement construite sur son seul talent d’acteur et de marionnettiste mais aussi sur la beauté et la richesse de ses marionnettes et de leurs vêtements éclectiques.
Cet ouvrier aux mains d’or fabrique, sculpte et peint lui-même ses personnages ainsi que les décors, les accessoires et les affiches. Et comme les comédies sont bien souvent une histoire de famille, son épouse coud et habille les pantins de bois et sa fille, Eléonore, chante pendant les représentations accompagnée par un accordéon.
Avec l’arrivée du cinéma, le public adulte se détourne progressivement des théâtres de marionnettes. Comme d’autres marionnettistes, Louis de Budt recentre son activité sur des spectacles destinés aux enfants et peu à peu cherche à s’éloigner des quartiers lillois où s’implantent les salles de projection.
Il est alors contraint de déménager plusieurs fois : d'abord à Moulins, puis au Faubourg du Sud et quitte définitivement Lille pour le quartier de l’Arbrisseau » à Wattignies. Cette migration semble déjà liée à un recul sensible de l’attrait pour les comédies au sein des murs intra-muros de la cité des Flandres.
A la fin de sa carrière, assisté par son fils Gustave, ce montreur de marionnettes professionnel doit recommencer, pour survivre, à exercer des petits métiers comme celui de vendeur de charbon. Gustave de Budt reprendra le flambeau en créant un théâtre forain.Louis De Budt achève son existence à l’Hospice Général de Lille où il meurt en 1936.