• Ouvriers et Montreurs

    Les sources historiques concernant les théâtres de marionnettes du Nord sont très lapidaires, les archives peu fournies. Les marionnettes n’ont pas ou peu fait l’objet des recherches par les historiens locaux des XVIIIe et XIXe siècles. Mais l’art de la marionnette est liée à la vie ouvrière et ce divertissement de la population laborieuse a peut être moins motivé la conservation écrite de cette culture populaire. Heureusement, les chansons patoisantes sont riches d’enseignement et les souvenirs, les mémoires comme celles de Léopold Delannoy ou celles des descendants de marionnettistes permettent de dessiner assez clairement le paysage de la marionnette à Lille et à Roubaix à partir du XIXe siècle.

     

    Dès 1829, Joseph Couvreur ouvre un théâtre à Roubaix et 50 ans plus tard, on en dénombre déjà une vingtaine dans la ville notamment dans les quartiers Nord mais aussi dans les quartiers de l’Epeule ou de la Potennerie.

     

    A Lille, comme à Roubaix, c’est essentiellement dans les quartiers les plus populaires et ouvriers que se concentrent les comédies - nom qui désigne les théâtres de marionnettes lillois, on parle de « théât’ » à Roubaix -. Elles sont installées à Saint-Sauveur, à Fives ou à Wazemmes et on en recense une quinzaine dans la cité lilloise de la fin du XIXe siècle.

    Ouvriers et Montreurs

    L' théât' Boboche par Cuvelier

     

    L’un des plus anciens théâtres de marionnettes connus à Lille dans les années 1860 est celui de César, marionnettiste qui jouissait à l’époque d’une certaine célébrité à en croire un couplet d’une chanson de Charles Decottignies (1828-1883) :

    Dimanche in r’venant d’pourmener
    J’passe gaiement par un’ courette
    Intindant plusieurs cloqu’s sonner,
    J’m’ai dit : quoich’que cha peut bien ête,
    Quéqu’un est v’nu m’apprinte sans r’tard,
    Qu’ch’étot pou’ l’théât’e César.

     

    On peut encore citer, quartier Saint-Sauveur, « La comédie Franços » située dans une cave rue de Fives ou le théâtre Nassez au 1er étage d’une ancienne fabrique du 17, rue du Croquet. Mais si les comédies peuvent s’installer dans un grenier, un hangar, un estaminet, c’est bien dans les caves que les représentations prennent leurs habitudes à Lille. Des caves aux voûtes surbaissées sans autre aération que l’entrée au niveau du trottoir, aux murs décrépis et rarement badigeonnés. Des caves insalubres qui, bien souvent, dans les quartiers du Vieux-Lille et de Saint-Sauveur servaient de lieu d’habitation pour les plus modestes.

     

    Ouvriers et Montreurs

    La cave de Muller à Lille, rue Mahieu (dans le quartier Saint-Sauveur, rue aujourd'hui disparue)

     

    Le patronat de Lille et de Roubaix reste indifférent aux conditions de vie de leurs travailleurs et s’occupent fort peu de leurs logements ou de leurs loisirs. Les ouvriers se font donc tireux d’fichelles afin de ne pas faire appel à la charité publique. Ils offrent à leurs collègues et voisins une distraction peu onéreuse mais qui permet d’enchanter, pendant quelques heures, leur quotidien.

     

    On peut citer à cet égard Alexandre Desrousseaux dans ses Moeurs populaires de la Flandre française :

    "Les directeurs de théâtres sont d’honnêtes ouvriers, pères de famille qui cherchent, en se donnant un surcroît de travail, à grossir leurs faibles ressources. Ils sont généralement aidés par leurs femmes et leurs enfants, pour habiller et faire jouer les marionnettes."

     

    Ouvriers et Montreurs

     

    Plans de situation des théâtres de Lille (-----> ici) et de Roubaix -----> ici)

     

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